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Comment fixe-t-on le prix des médicaments ?

En pleine crise sanitaire, l’inquiétude financière augmente en Belgique. Selon le Baromètre DKV 2020, les Belges craignent une hausse générale des tarifs dans tous les soins de santé. Mais plus particulièrement, 6 Belges sur 10 redoutent une hausse du prix des médicaments dans un avenir proche. Est-ce une fatalité ? Par qui et comment fixe-t-on le prix des médicaments ? On a mené l’enquête.

 

La mise au point d’un médicament, un processus long et donc coûteux

Découverte de “la” molécule

Un peu comme le chercheur d'or qui tamise des tonnes de roches pour trouver un gramme d'or, les scientifiques qui élaborent des médicaments procèdent essentiellement par essais et erreurs sur des milliers de molécules existantes. Ils cherchent parmi elles celle qui pourrait être « la » molécule adéquate pour remplir un « besoin non rencontré » dans la pharmacopée existante.

On considère généralement qu'il faut passer au crible des essais en laboratoire plus de 10 000 molécules[1] différentes pour en obtenir une qui aboutira effectivement dans les pharmacies de ville ou d'hôpital.

Une fois identifiée, il faudra environ... 12 ans pour qu’elle aboutisse chez le patient qui en a besoin. On compte environ cinq ans de développement purement chimique en laboratoire, où l'on vérifie notamment que la molécule n'est pas toxique pour les organismes vivants.

Phase 1 et 2 des essais cliniques

Puis vient la phase 1 d'essais cliniques, sur un nombre très limité de volontaires bien portants. Elle dure environ deux ans et est suivie d'une phase 2 qui détermine quelle dose est la plus adéquate et sans risques, en commençant bien entendu par la plus faible.

Phase 3 des tests sur patients

C'est uniquement quand tous les feux sont au vert que peut commencer la phase 3. Elle s'effectue cette fois auprès de patients réellement atteints de la maladie que l'on veut soigner et sur un nombre suffisamment diversifié en vue de démontrer que le médicament peut agir quels que soient le patrimoine génétique, l'âge ou les comorbidités du patient.

Phase 4 de pharmacovigilance

Parfois baptisée phase 4. Cette étape consiste à surveiller de près les effets secondaires imprévus qui surviennent parfois quand le médicament est employé par des millions de patients.

Enregistrement et mise sur le marché

Faire enregistrer sa découverte auprès de l'Agence du médicament prend encore une année pleine et les négociations pour un éventuel remboursement une année supplémentaire. Le fabricant doit ensuite remettre les documents expliquant le résultat de ses recherches et de ses essais cliniques à l'Agence du médicament dont il dépend.

En Europe, c'est l'Agence européenne du médicament (EMA) qui gère cette démarche, même si elle délègue une partie du travail à l'Agence du pays membre où est localisé le fabricant. Une procédure d'enregistrement dure en moyenne 300 jours au niveau européen.

 

Comment fixe-t-on le prix d’un médicament ?

En Belgique, c'est le SPF économie qui entre en scène à ce moment, parallèlement à la Commission de Remboursement des Médicaments (CRM) de l'Institut national d'assurance maladie invalidité (INAMI). Le premier doit jauger le gain économique qu'apportera le médicament par rapport aux médicaments existants, le second son intérêt thérapeutique. Mais l'un est très souvent lié à l'autre, et inversement. Le tout prend encore au moins 180 jours. Il faut donc au minimum 500 jours entre la fin des études cliniques et la mise effective sur le marché.

D'autant que les procédures peuvent être suspendues pour obtenir des éclaircissements. Ces délais sont souvent très mal vécus par les patients qui sont avertis de la découverte d'une nouvelle molécule innovante mais qui ne peuvent y avoir directement accès.

 

Comment obtient-on le remboursement pour un médicament ?

C'est la Commission de Remboursement des Médicaments qui instruit le dossier pour formuler un avis. Elle est composée de manière large : 7 académiques, 8 organismes assureurs (mutuelles), 4 associations de médecins, 3 associations de pharmaciens et 1 président votent. Mais y siègent aussi les représentants des 4 ministres concernés (Economie, Budget, Affaires sociales, Santé), de l'Inami, de pharma.be et de Medaxes (les producteurs).

Cet avis doit être transparent, c'est-à-dire basé sur des critères objectifs et vérifiables. Un simple avis d'expert, même très expérimenté, n'est pas suffisant pour engager des dépenses parfois très importantes. La Commission doit rendre son avis dans les 180 jours. Le gouvernement peut y déroger.

La décision finale est prise sur base de preuves scientifiques. Le risque de mortalité et la réduction de la morbidité sont évidemment les premiers critères considérés. Mais la vraie plus-value thérapeutique est l'addition de l'efficacité, de la sécurité de la molécule, mais aussi de l'efficacité relative de celle-ci. S'il existe déjà une molécule aussi bonne ou un peu moins bonne tombée dans le domaine public, le prix ne pourra pas excéder celui de cette molécule existante.

Des notions d'applicabilité et de confort peuvent entrer en considération. Mais le ministre du Budget reste attentif à ce que l'impact budgétaire reste compatible avec les finances publiques.

 

Et les fameux « articles 81 » ? 

Il s'agit d'une procédure dérogatoire apparue depuis quelques années, qui entend donner un accès plus rapide aux médicaments qui remplissent un besoin urgent non rempli par une autre spécialité. L'exemple typique est un médicament anticancéreux qui procure des mois ou des années supplémentaires d'espérance de vie ou un médicament qui améliore drastiquement le confort des malades. Dans ce cas, un contrat peut être conclu entre l’Inami et la firme productrice pour un remboursement temporaire de 1 à 3 ans. En fonction des résultats, ces contrats peuvent ensuite être suivis d’une procédure classique.

 

Pourquoi le prix des médicaments ne peut qu'augmenter à terme ?

Le temps où Pasteur découvrait quasi seul le vaccin contre la rage ou Fleming les vertus de la pénicilline est révolu. Aujourd'hui, ce sont des équipes de plusieurs centaines voire de milliers de chercheurs qui sont nécessaires pour identifier de nouveaux médicaments capables de révolutionner le traitement d'une maladie (comme, cette dernière décennie, le traitement des cancers du sang pédiatriques, de l'hépatite C ou du cancer du poumon).

Cela signifie également que ces nouvelles thérapies, comme l'immunothérapie ou l'utilisation du génie génétique, supposent un recours intensif à des outils de dernière génération et de haute performance. Ceci induit, là encore, un coût élevé. On estime généralement la hauteur de l'investissement pour un nouveau médicament largement utilisé à plusieurs milliards d'euros[2].
 

Les Belges inquiets face à une hausse du prix des médicaments

Cela induit que le prix de l'innovation croît plus rapidement que la croissance générale des prix voire du budget de la sécurité sociale. C'est notamment en constatant cette évolution que les Belges ressentent une inquiétude grandissante face à l'évolution des coûts de la santé.

Selon le Baromètre DKV 2020, 6 Belges sur 10 redoutent une hausse du prix des médicaments et 2 sur 3 pensent que l'assurance obligatoire de la mutuelle sera insuffisante. Un quart pense carrément que ses finances personnelles ne lui permettront pas de payer les soins nécessaires dans les prochaines années.

Le nouveau gouvernement vient heureusement de décider que dès 2022, la norme légale de croissance, déterminant la progression annuelle autorisée de la facture santé, se fixera à 2,5%, alors qu’elle n’était plus que de 1,5% sous le précédent gouvernement. Mais cela suffira-t-il ? Seul l'avenir nous le dira.

Le meilleur moyen de faire face à cette tendance à la hausse du prix des médicaments est encore la prévoyance. Ainsi, en réaction à cette évolution redoutée, 13 % des personnes interrogées dans le baromètre pensent à mieux s’assurer en prenant une assurance complémentaire. Et c’est dans la tranche des jeunes (18- 24 ans), que le pourcentage est le plus élevé (18%).

 

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